Antananarivo, sous haute tension. Depuis plusieurs semaines, la Grande Île vit au rythme des affrontements entre manifestants et forces de sécurité. Officiellement, douze morts selon le président Rajoelina ; vingt-deux d’après le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH). Les vidéos de violences policières circulant sur les réseaux sociaux n’ont fait qu’attiser la colère populaire.
À l’origine, la contestation était portée par le mouvement « Gen Z », mobilisé contre les coupures d’eau et d’électricité. Rapidement, la frustration sociale s’est muée en rejet du pouvoir, accusé d’incompétence et de corruption. Face à la crise, le président a tenté une approche sécuritaire, nommant un Premier ministre militaire et resserrant son gouvernement autour des ministères de la Défense, de la Sécurité publique et de la Gendarmerie.
Des soldats qui basculent du côté du peuple. Coup de tonnerre samedi : un contingent de la base militaire de Soanierana, proche d’Antananarivo, appelle les forces de l’ordre à la désobéissance. Les militaires exhortent leurs pairs à “refuser de tirer sur leurs frères et sœurs” et dénoncent la corruption et la misère endémique.
Quelques heures plus tard, des soldats armés rejoignent la foule dans la zone du lac Anosy. Les manifestants, émus, les acclament. Difficile pour l’heure d’évaluer le nombre exact de militaires ayant rallié ce mouvement.

Le CAPSAT: Corps d’armée des personnels et des services administratifs et techniques, figure centrale de ce soulèvement, revendique désormais le contrôle total des forces armées malgaches. Dans une vidéo diffusée dimanche, ses officiers déclarent :
“Tous les ordres militaires émaneront désormais de notre quartier général.”
Les insurgés demandent à leurs camarades de bloquer les aéroports et de “ne plus obéir aux supérieurs” favorables au régime. Une rhétorique qui rappelle la mutinerie de 2009… menée par cette même base, alors que Rajoelina arrivait lui-même au pouvoir.
Rajoelina dénonce un coup de force. Dans un communiqué officiel, la présidence parle d’une “tentative de prise du pouvoir par la force, contraire à la Constitution et aux principes démocratiques”. Le chef de l’État appelle au dialogue, tout en renforçant la sécurité autour des palais présidentiels.
Les observateurs craignent une escalade dans les heures à venir, d’autant qu’une nouvelle manifestation et des funérailles militaires se déroulent simultanément dans la capitale.
Un pays habitué aux crises politiques. BooDepuis son indépendance en 1960, Madagascar a connu une succession de soulèvements et de transitions forcées. L’épisode actuel ravive le spectre de 2009, lorsque l’armée avait renversé le président Ravalomanana pour installer… le jeune maire d’Antananarivo de l’époque : Andry Rajoelina.
Réélu en 2018 puis en 2023 lors d’élections contestées, celui-ci fait aujourd’hui face à la même pression populaire qui, seize ans plus tôt, avait propulsé sa carrière politique.
En toile de fond : un pays à bout de souffle, une jeunesse en colère, et une armée divisée entre fidélité et désillusion. Le sort de Madagascar se joue peut-être, une fois encore, dans les casernes d’Antananarivo.


