Le 2 octobre marque la fin du mandat de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), conduite sous leadership kényan, déployée en Haïti avec pour objectif affiché de lutter contre l’insécurité généralisée. Alors qu’une nouvelle résolution des Nations Unies annonce l’envoi imminent d’une autre force, estimée à près de 5 500 militaires, la question fondamentale se pose : cette stratégie est-elle la solution adéquate aux crises multiformes que traverse notre pays ou, au contraire, un énième prolongement d’une logique de dépendance et de dépossession nationale ?

Un contexte d’échec répété des interventions internationales
Haïti a déjà connu, au cours des trente dernières années, de multiples interventions armées et missions internationales sous diverses appellations : MINUHA, MINUSTAH, BINUH, et plus récemment MMAS. Aucune d’entre elles n’a permis de mettre fin à la spirale de violence, ni de consolider les institutions démocratiques, ni de créer les conditions d’une véritable souveraineté nationale. Au contraire, certaines de ces interventions ont laissé derrière elles un lourd héritage : scandales d’abus sexuels, épidémie de choléra, et une aggravation de la dépendance structurelle de l’État haïtien aux agendas extérieurs.

L’expérience de la MMAS, qui s’achève aujourd’hui, confirme cette logique : malgré l’espoir suscité, aucune amélioration significative de la situation sécuritaire n’a été constatée. Les gangs armés continuent de semer la terreur, et la population reste prise au piège entre la violence criminelle et l’absence de réponses étatiques efficaces.
Une nouvelle résolution, un ancien schéma
La nouvelle résolution de l’ONU prévoyant le déploiement de 5 500 soldats s’inscrit dans un schéma déjà connu : externaliser la sécurité nationale au détriment du renforcement des forces haïtiennes, sans poser les vraies questions sur les racines profondes de la crise. L’insécurité en Haïti n’est pas uniquement un problème de maintien de l’ordre : elle est le produit d’une combinaison explosive entre effondrement institutionnel, corruption systémique, pauvreté extrême et absence de justice sociale.
Penser qu’une force étrangère armée pourra, seule, « résoudre » ce fléau revient à reproduire les erreurs du passé. C’est traiter le symptôme sans jamais s’attaquer à la maladie.
La position de principe : la souveraineté et les droits humains avant tout
En tant que défenseur des droits humains et patriotes haïtiens, notre position est claire : aucune solution durable ne peut être imposée de l’extérieur. Toute mission militaire internationale qui se substitue aux institutions nationales contribue à affaiblir davantage l’État et à priver le peuple de son droit inaliénable à l’autodétermination.
Cela ne signifie pas nier l’urgence sécuritaire ni fermer les yeux sur la détresse des populations victimes des gangs. Mais il s’agit d’affirmer que la réponse doit être fondée sur trois piliers essentiels :
1. Renforcement effectif des institutions haïtiennes de sécurité et de justice, avec un accompagnement technique et logistique ciblé, mais sans tutelle militaire étrangère.
2. Lutte contre l’impunité et la corruption, en garantissant que les acteurs politiques et économiques complices des gangs soient poursuivis et sanctionnés.
3. Investissements massifs dans les droits économiques et sociaux, car la pauvreté extrême et l’exclusion sociale alimentent directement la violence.
Une solidarité respectueuse, pas une tutelle armée
Haïti n’a pas besoin d’un sauveur militaire. Elle a besoin d’alliés respectueux, prêts à accompagner un processus de reconstruction interne. La solidarité internationale authentique ne se mesure pas au nombre de casques bleus ou de fusils déployés, mais à la capacité d’appuyer le pays dans sa propre trajectoire d’émancipation.
Le peuple haïtien n’est pas condamné à rester spectateur de son destin. Il réclame justice, démocratie et dignité. Tout le reste n’est que répétition des erreurs passées.
Rédacteur : Avocat Frédo Jean Charles


