Il fut un temps en Haïti où, dès l’arrivée du mois de décembre, l’ambiance de Noël envahissait tout le pays. Les rues se paraient de décorations, les entreprises illuminaient leurs façades, et l’on sentait partout une atmosphère de partage, d’espérance et de renouveau. On parlait d’une nouvelle année qui s’annonçait en beauté, d’un moment pour se retrouver en famille, pour célébrer. Mais cette année encore, cette magie semble s’être éteinte.
Dans plusieurs quartiers, la population observe des rues désertées, figées entre la peur et la résignation. Plus de pidétoile, ces feux d’artifice populaires qui annonçaient autrefois la joie. Ils sont désormais remplacés par le fracas sec et répété des armes automatiques. Plus de dinamite, ces pétards qui faisaient vibrer les soirées de décembre. Ils ont laissé place à des détonations dont le sens n’a rien de festif : elles rappellent que la fête a cédé le terrain à la violence.
Les routes menant vers les villes de province restent difficilement praticables, bloquées par l’insécurité ou désormais sous le contrôle de groupes armés tenant certains axes stratégiques. La population attend. Attend quoi, attend qui ? Peut-être un souffle nouveau. Peut-être une amélioration tangible de la situation. Peut-être un signe que la normalité peut revenir.
Dans les marchés, les commerçants l’avouent : « Noël n’est plus Noël ». Les familles hésitent à sortir, les parents craignent pour leurs enfants, et même les institutions publiques fonctionnent au ralenti. L’esprit de fête se heurte brutalement à la réalité d’un pays où la sécurité est devenue un luxe. Là où l’on préparait autrefois sapins, lumières, confiseries et vêtements neufs, on prépare aujourd’hui stratégies de survie, déplacements limités et prières pour traverser la nuit.
Pourtant, malgré tout, l’espérance continue d’habiter le cœur du peuple haïtien. Beaucoup rêvent toujours d’un décembre paisible, d’une atmosphère où les chants, les lumières et les traditions reprendraient leurs droits sur les échos de la peur. Une Noël où l’on pourrait recommencer à fêter, simplement, librement.
En attendant, le pays observe, retient son souffle, espère. Il mise sur un changement qui tarde à venir. Sur une issue qui permettrait enfin de dire : « Voilà, Haïti revit ». Mais pour l’instant, la question reste suspendue : vers quelle Noël marche-t-on vraiment ?

